Comme tous les matins, je bois un café, j'allume le pc, je lis les news...
Ce matin je tombe sur.... : "chez notre voisin d’Outre-Rhin, les profs gagnent 34% de plus qu’en
France. C’est une preuve de considération qui motive leur implication."
Article qui s'intitule :"Et si on payait les profs 4000€ par mois, comme en Allemagne"?
L'article essaye de démontrer à quel point lorsque l'on vit correctement de son travail alors on fait correctement son travail.... Que lorsque notre travail est reconnu, valorisé, alors on se sent utile... Lorsque l'on se sent utile à la vie de la Cité (sens antique) on s'implique, on fait de son mieux....
(il insiste aussi beaucoup sur le fait que l'administration française ne sait toujours par compter, et surtout, qu'elle est ultra dépensière au bénéfice de quelques uns...)
Être prof / instit c'est instruire les futurs citoyens, leur donner les clés essentielles pour savoir lire, compter, écrire mais aussi... analyser, se confronter, se révolter, découvrir, chanter, jouer, se faire des potes, s'ennuyer....
Un mauvais instit dans le parcours d'un enfant peut être, au mieux, un mauvais moment pour le gamin, au pire destructeur... (souviens toi, on a tous des instits traumatisés et traumatisants...)
Aujourd'hui les profs/instits en France ont des salaires qui oscillent entre 1500 et 2500€ net/mois.
Le constat.
Et les autres acteurs du scolaire et de l'éducation? On en dit quoi? On en fait quoi?
On les oublie, encore...
Les ATSEM ont autant de face à face public avec les enfants et les parents. Elles sont un repère, elles nettoient, accompagnent, câlinent, rassurent les nimbus de maternels. Elles sont une aide indispensable aux maîtresses. Payées au SMIC, un peu plus en fin de carrière... C'est à dire entre 1100€ et 1400€ net/mois.
Et, évidemment, ceux qui m’intéressent le plus. Les animateurs... Ils assurent toute la partie dite du "périscolaire".
Les animateurs prennent le relais des instits et profs, en binômes avec les ATSEM pour les plus petits, notamment sur les temps du midi (essaye de filer à manger à une vingtaine de gosses d'environ 3/4ans, en même temps, tout en assurant le calme et la sécurité morale et physique, si tu l'as jamais fait, tu vas t'amuser...)
Ils prennent également en charge les enfants à la fin du temps scolaire. Dans la municipalité où je travaille actuellement, la réforme des rythmes scolaires est appliquée. Les enfants terminent la journée scolaire à 15h15.
Pour les parents qui ne peuvent pas les récupérer si tôt, un ALSH est disponible (Accueil de Loisir Sans Hébergement - ne retiens pas le terme dans 6 mois il aura encore changé...) Ce n'est pas une garderie. Du moins, ce n'est pas censé l'être...
Il est demandé aux coordinateurs et animateurs de mettre en place de véritables projets pédagogiques d'éducation populaire afin de permettre une ouverture culturelle sur le monde, un apprentissage de pratiques artistiques, de la vie en communauté, de la citoyenneté, etc... T'as vu? C'est beau...
Ça c'est pour la théorie.
Pour la pratique.
Les animateurs sont recrutés avec ou sans BAFA (Brevet d'Aptitude aux Fontions d'Animateur), ceux qui n'ont pas ce fameux "diplôme" alors pas de souci la municipalité se targuera d'offrir une formation.... Le BAFA est une sombre escroquerie financière, tu payes, tu fais acte de présence 3 jours et on te donne le ptit papier qui dit que tu es apte à occuper et encadrer des enfants... 3jours pour savoir faire tout ça.... Il est pas super balaise ce diplôme? (Mais... pourquoi j'ai passé deux ans à la fac, tu peux me le dire??)
Pour les plus chanceux, ils bosseront le midi entre 11h45 et 13h45, se taperont une pause merdique où ils mangeront à l'arrache un sandwiche dégueu (alors qu'une heure plus tôt ils géraient la cantine, mais tu comprends, c'est trop cher pour la Mairie de leur payer le repas....)et s'occuperont de leur prépa (comme les instits, il faut bien anticiper les moments de face à face public..), mais ils ne sont bien évidemment pas payés... J'appelle cela du travail bénévole planqué...
A 15h, ils réattaquent jusque 17h... Un animateur par secteur aura l'honneur de bosser 1h30 en plus, pour ce qui est appelée, ici, à juste titre, la garderie.
Les moins chanceux, moins doués, moins qualifiés ne font que les midis.
S'ils enquillent les ALSH des mercredis après midi, un animateur peut espèrer cumuler des semaines de 21h rémunérées.
Un animateur, qui prend en charge les enfants 21h/semaine gagne environ 750€/mois....
Un animateur qui ne fait que les cantines gagne environ 250€/mois.
Les instituteurs ont 24h de face à face direct avec les enfants. Les animateurs 21h/semaine.
Un instit gagne au minimum 1500€/mois...
Nous prenons les memes enfants en charge, nous connaissons les mêmes problématiques, nous repérons les mêmes comportements, nous nous adressons aux mêmes parents. Nous ne pouvons pas vivre de notre métier. D'ailleurs, on nous fait très régulièrement comprendre que... ce n'est pas un métier! (Je réitère, pourquoi j'ai passé deux ans à la fac....?)
Comment assurer correctement un métier d'encadrement d'enfants, comment assurer les missions qui nous sont confiées? Comment rassurer, responsabiliser, laisser s'épanouir des enfants quand les conditions de travail, les considérations sociales et les salaires sont aussi minables?
Comment permettre un accueil périscolaire de qualité si les personnes recrutées ne sont pas des professionnels de l'animation? Comment assurer un suivi correct des enfants si les postes ne sont pas perennisés? Comment s'impliquer dans une profession qui n'en est pas une?
Comment l'éducation et l'instruction ont elles été à ce point dévalorisées par l'ensemble de la société?
Comment peut on en arriver à des situations où des adultes en situation de précarité s'occupent d'enfants connaissant la même précarité?
Comment être crédible aux yeux de ces enfants lorsqu'on leur explique qu'ils pourront faire tout ce dont ils rêvent quand ils seront grands....?
Notre boulot s'avère indispensable : l'intérêt des enfants, futurs acteurs citoyens...
Rien à foutre. Le constat.
On the road again....
samedi 7 décembre 2013
jeudi 24 octobre 2013
Texte écrit et lu le 17/10/13 par Anna Nozière pour la soirée d’ouverture de la Saison Egalité (H/F Nord Pas de Calais) au Prato à Lille.
"Je
regarde une photo assez récente du conseil européen à Bruxelles, ce
genre de photo banale qui n’attire pas spécialement l’attention. Une
trentaine d’hommes en costume cravate. Parmi eux, 5 femmes, dont une
petite, au deuxième rang, qu’on voit à peine parce qu’elle est cachée
par la tête d’un homme du premier rang.
Parfois j’essaye d’inverser,
pour voir ce que ça fait. J’essaye de mettre les hommes là où sont les
femmes, et les femmes là où sont les hommes. Par exemple, je pense à une
photo du conseil européen avec une trentaine de femmes et parmi elles, 5
hommes, dont un petit, au deuxième rang, qu’on voit à peine parce qu’il
est caché par la tête d’une femme du premier rang. Parfois j’imagine
des hommes qui touchent 600 euros de retraite alors qu’ils auraient
travaillé toute leur vie pour l’entreprise de leur femme… (etc…)
Et j’imagine ces hommes hurler au scandale, et dire, et ils ont raison, que cette situation est indigne de notre démocratie.
Et, comme ce sont des hommes, co-optés par des hommes, dirigés par des
hommes, avec des lois votées par des hommes pour les hommes, j’imagine
qu’ils sont entendus.
Quand je pense à ça, j’ai une envie de
pleurer très profonde et très archaïque, qui doit venir d’au moins 10
générations au dessus. Mais, comme je n’ai pas une nature à me
positionner en victime, je cherche quelle est la responsabilité des
femmes dans cette situation honteuse. Je cherche comment sortir de là
avec les femmes, et avec les hommes. Je cherche, moi, personnellement,
dans la façon que j’ai de collaborer avec les hommes, dans le
comportement que j’adopte face à eux, dans ma façon d’être, de dire et
de penser, ma propre responsabilité ; et parfois j’y arrive.
Mais ce
que je cherche, depuis des années, et que je ne trouve pas, c’est quoi
faire avec les choses invisibles. Les choses impalpables,
imperceptibles, insaisissables, qui nous imprègnent, et que je sens, et
qui écartent les femmes du juste pouvoir, de la rémunération ou de la
hiérarchie auxquelles elles pourraient prétendre ; ce fameux plafond de
verre, auquel on se cogne la tête.
Quand une femme musicienne
auditionne cachée derrière un paravent, elle a des chances d’être
recrutée dans un grand orchestre. Quand cette même femme auditionne sans
le paravent, elle bute contre son genre, parce que l’écrasante majorité
des jurés trouve qu’elle joue moins bien qu’un homme qui a exactement
le même niveau.
Et peut-être que sans le savoir, je fais partie de ces jurés.
Je m’observe. Je nous observe. Pour la plupart, nous ne sommes pas
misogynes, pourtant, si nous devons juger une femme, nous la pénalisons.
Nous la punissons d’être femme.
Comment puis-je ne pas être punie ? Ni me punir moi-même, moi qui suis comme chacune conditionnée depuis l’enfance ?
J’ai lu avant de venir ici plusieurs études sur l’éducation des
parents, sur l’éducation nationale, qui se recoupent toutes. Sans le
savoir on accorde plus de temps aux garçons qu’aux filles. Sans le
savoir on accorde plus d’espace aux garçons qu’aux filles. Sans le
savoir on répond plus longuement aux questions des garçons qu’aux
questions des filles. Sans le savoir, à rédaction égale, on met aux
garçons une meilleure note qu’aux filles. Et on s’y fait tous très bien :
déjà, nourrissons, filles et garçons, à pleurs égales, on n’était pas
traités de la même façon par nos mères.
Et bien sûr tout le langage, qui nous constitue, a enfoncé le clou – tous on l’a appris : le masculin l’emporte sur le féminin.
Je me souviens encore quand j’ai appris ça. Comme je me souviens de ce
que je ressentais quand mes frères construisaient le monde avec leur
gros carton de Légos, rapporté du Noël de l’hôpital où mon père
travaillait, et que ma sœur et moi on avait eu un fer à repasser en
plastique.
Comment les femmes, devenues adultes, pourraient-elle
prendre leur place après ça ? Et comment les hommes pourraient faire
autrement que de trouver normale la place qu’ils occupent
Moi, j’ai
un minimum de confiance. J’ai appris à recadrer les directeurs
techniques qui trouvent que je n’ai rien à faire là, j’ai appris à
défendre mon salaire, j’ai appris à me mettre en colère s’il le faut
sans me faire traiter d’hystérique. Mais pour le reste, l’invisible,
dans lequel je suis engluée ? Comment puis-je faire ?
Et sur quel exemple m’appuyer ?
Quelle femme a réussi, vraiment réussi ? Ariane Mnouchkine, qui a
construit et installé son propre territoire en dehors du territoire des
hommes ?
Bien sûr, il y a pire. Je ne fais pas partie de ces
femmes qui meurent toutes les 3 heures sous les coups de leur conjoint,
je ne suis pas née dans un pays où les hommes pourraient me tuer à coups
de pierres en toute légalité, où j’aurais été en soi quelque chose à
éliminer à la naissance, où on m’aurait mariée de force à 10 ans. Mais,
simplement, même déterminée, même prenant mes responsabilités, même
travaillant à élargir ma conscience, à dépasser mes croyances, à
acquérir ma propre liberté, parfois, pour exercer mon métier en toute
légitimité – et pourtant j’ai la chance de faire partie de celles qui
sont jouées dans de grands théâtres – je ne sais plus comment être.
Comme je ne sais plus comment faire avec l’énergie qu’il faut déployer
en face de ceux qui ne sont pourtant pas misogynes (je le crois). Je me
sens démunie par ce climat invisible, et souvent, fatiguée. "
Anna Noziere
H/F en quelques mots :
L’association H/F Nord Pas-de-Calais,
milite pour l’égalité
des femmes et des hommes dans les arts et la culture. En France,
12 autres associations H/F sont déjà actives en régions. Ces 13 associations
auxquelles ont adhéré une centaine de structures culturelles et 330 membres
individuels se sont structurées en une fédération interrégionale.
En Nord Pas-de-Calais, c’est une centaine
de sympathisantEs et adhérentEs et une vingtaine de structures culturelles qui s’engagent à
interroger leurs pratiques en termes de gouvernance, de diffusion et de
production et à mettre en place des actions de sensibilisation.
Parce que nous sommes convaincuEs qu’il y
a autant de talent parmi les femmes que parmi les hommes et que le chemin à
parcourir pour concrétiser l’égalité des chances est encore
long. H/F prétend contribuer à ce que le secteur artistique et culturel soit l’expression d’une société en mouvement,
soucieuse d’égalité et de démocratie.
Parce que les
chiffres sont accablants (sources MCC*) :
• 84% des théâtres
sont dirigés par des hommes ;
• 85% des textes que
nous entendons sur nos scènes sont écrits par des hommes ;
• 78% des spectacles
que nous voyons sont créés par des hommes ;
• dans les CDN, les
femmes créent 15% des spectacles avec 8% des moyens de
production.
Parce que l’art et la culture sont des espaces
où s’invente notre vision du monde, nous ne pouvons pas laisser les inégalités
homme-femme y perdurer !
Parce que H/F souhaite que
la Saison 2013-2014 soit la marque d’un rééquilibrage égalitaire tant dans
les choix de programmation que dans l’accès aux moyens de productions et la
gouvernance.
Lien du Blog du collectif en NPDC : http://hf-npdc.blogspot.fr/
lundi 19 août 2013
Je suis animatrice sociale et socioculturelle.
Voilà ce que je réponds lorsque l'éternelle question du statut social est posée.
La valeur travail étant au centre de tout, ta place dans la société dépend du statut social que t'offre ton job.
Si tu as fait des études, que tu as dépassé le bac+3 et que tu as un job alors tout roule. Te voilà socialement normal. Tu peux prendre, discrétos, tous les jours, ta ration de Valium, on s'en fout. T'as un diplôme (sous entendu, t'es pas trop trop con) et tu bosses (sous entendu, tout va bien tu n'es pas un assisté social).
Si tu n'as pas fait d'études et que tu bosses, pas de bol !... Mais...tu bosses donc tu es courageux, tu es donc socialement accepté.
Si t'as pas fait d'études, que tu bosses pas... Tu sors ! Tu es ignare, fainéant, un vrai parasite, et tu dois sûrement subvenir à tes besoins en dealant du shit à la sortie des collèges de ton quartier.
Et, si tu es animatrice socioculturelle... Tu fais de la guitare en chantant des chansons débilitantes à des pré-pubères boutonneux autour d'un feu en te délectant d'un dégueulis de marshmallow cramés...façon Jugnot dans Scout Toujours...
Autant dire que socialement, ce n'est pas très acceptable, à 27ans, de faire de la pâte à modeler avec des mioches qui braillent...
Pour obtenir cette considération merdique, il a fallu que j'obtienne un Bac Littéraire, que je passe un concours d'entrée dans une faculté (publique! Oui, à la fac on entre aussi sur concours...) et que j'obtienne un diplôme professionnel : un Diplôme Universitaire Technique option animation sociale et socioculturelle, en deux ans.
Je possède donc un diplôme professionnel de l'animation. En général c'est lorsque tu annonces ce diplôme qu'on te fait gentiment comprendre qu'un DUT c'est pas grand chose, faut pas déconner... T'es quand même pas médecin, hein !
Je considère souvent les animateurs comme les parias des professionnels du social. Considérations professionnelles réduites à néant, salaires de misère, représentation syndicale inexistante ou presque, précarité des contrats, temps partiels subis, horaires morcellés, aucun avantage social...
Les animateurs sont les intermittents du social, sans aucune protection, sans aucune visibilité publique. Au moins les intermittents du pestacle on les aime pas, parasites des assurances chômages, ils font parler d'eux, les animateurs, eux, sont absolument inexistants...
C'est la seule profession où l'on se permet de ne pas rémunérer les travailleurs au SMIC.
Un animateur, qui s'occupe "d'amuser" vos enfants pendant les vacances scolaires, est payé au forfait journalier. Souvent il embauche tôt le matin, aux alentours de 7h s'il y a ce qu'on appelle communément une "garderie" et il débauche au plus tôt vers 18h30, s'il ne se coltine pas la réunion de service qui peut parfois durer des heures... Il doit veiller seul au confort et à l'épanouissement d'un collectif d'enfants, au sens large, entre 3 et 18ans. Le tout pour un forfait BRUT qui oscille entre 25 et 50€ par jour...
L'argument que j'ai le plus souvent entendu pour justifier cet esclavagisme moderne serait que l'animation n'est pas un métier mais de la dépanne pour vieil ado chevelu, ou alors, une passion sans faille... Tu comprends, l'animation tu dois la vivre au plus profond de tes tripes, tu ne fais pas ça pour l'argent, tu es le Jésus des chtites n'enfants... Pour ton loyer et tes factures, tu peux toujours tenter de jouer de la gratte devant ton proprio ou d'offrir un collier de nouilles à Proglio mais, permets moi d'émettre quelques doutes....
Sauf qu'être animateur est une profession. Une profession intimement liée à l'éducation populaire. Être animateur c'est défendre des convictions. Ce n'est pas juste faire de l'occupationnel à la con et se travestir en Disneyland pour finir de perdre le peu d'amour propre qu'il te restait sur ton lieu de travail...
Animateur c'est être un pansement sur une hémorragie... C'est être multi-tâche, connaître et côtoyer un public généralement en très en précarité socio-économique, de la petite enfance jusqu'à la vieillesse ultime... C'est se confronter à la peine, à la tristesse des regards perdus et des peaux rougis par la difficulté de la vie.
Être animateur, c'est offrir des moments, c'est permettre des projets joyeux qui font battre le coeur d'un avenir, c'est essayer d'apaiser la solitude et la douleur persistante de tout ceux qui ne comprennent plus grand chose au bordel ambiant... Des enfants muets, des ados violents, des adultes dépassés et épuisés...C'est rappeler que la vie c'est aussi de la musique, des bonnes bouffes, du théâtre, de l'art, des rires, des cris de joie, des projets, des débats, du partage... Et cela, quelque soit le milieu et/ou le statut social des publics.
Rappeler que l'argent n'a pas le monopole du bonheur, bien à l'inverse.
Être
animateur n'est pas un job, c'est une profession. Une profession qu'il serait temps de respecter et de révaluer à sa juste valeur.
Les fêtes de quartier, toutes les activités des centres sociaux, les MJC (Maison de la Jeunesse et de la Culture), les points jeunes, tous les accueils extra et péri scolaires, les camps de vacances, les très nombreuses associations qui œuvrent pour l'accès au logement, aux droits pour tous, à l'accès aux soins pour tous, à la culture, aux loisirs, aux vacances.... Tous ces lieux, et tellement d'autres, n'existeraient pas sans l'animation sociale et socioculturelle....
Alors je continuerai à dire et à défendre mon statut d'animatrice sociale et socioculturelle !
Et je continuerai à ne pas être en très bon terme avec ma banque....
La valeur travail étant au centre de tout, ta place dans la société dépend du statut social que t'offre ton job.
Si tu as fait des études, que tu as dépassé le bac+3 et que tu as un job alors tout roule. Te voilà socialement normal. Tu peux prendre, discrétos, tous les jours, ta ration de Valium, on s'en fout. T'as un diplôme (sous entendu, t'es pas trop trop con) et tu bosses (sous entendu, tout va bien tu n'es pas un assisté social).
Si tu n'as pas fait d'études et que tu bosses, pas de bol !... Mais...tu bosses donc tu es courageux, tu es donc socialement accepté.
Si t'as pas fait d'études, que tu bosses pas... Tu sors ! Tu es ignare, fainéant, un vrai parasite, et tu dois sûrement subvenir à tes besoins en dealant du shit à la sortie des collèges de ton quartier.
Et, si tu es animatrice socioculturelle... Tu fais de la guitare en chantant des chansons débilitantes à des pré-pubères boutonneux autour d'un feu en te délectant d'un dégueulis de marshmallow cramés...façon Jugnot dans Scout Toujours...
Autant dire que socialement, ce n'est pas très acceptable, à 27ans, de faire de la pâte à modeler avec des mioches qui braillent...
Pour obtenir cette considération merdique, il a fallu que j'obtienne un Bac Littéraire, que je passe un concours d'entrée dans une faculté (publique! Oui, à la fac on entre aussi sur concours...) et que j'obtienne un diplôme professionnel : un Diplôme Universitaire Technique option animation sociale et socioculturelle, en deux ans.
Je possède donc un diplôme professionnel de l'animation. En général c'est lorsque tu annonces ce diplôme qu'on te fait gentiment comprendre qu'un DUT c'est pas grand chose, faut pas déconner... T'es quand même pas médecin, hein !
Je considère souvent les animateurs comme les parias des professionnels du social. Considérations professionnelles réduites à néant, salaires de misère, représentation syndicale inexistante ou presque, précarité des contrats, temps partiels subis, horaires morcellés, aucun avantage social...
Les animateurs sont les intermittents du social, sans aucune protection, sans aucune visibilité publique. Au moins les intermittents du pestacle on les aime pas, parasites des assurances chômages, ils font parler d'eux, les animateurs, eux, sont absolument inexistants...
C'est la seule profession où l'on se permet de ne pas rémunérer les travailleurs au SMIC.
Un animateur, qui s'occupe "d'amuser" vos enfants pendant les vacances scolaires, est payé au forfait journalier. Souvent il embauche tôt le matin, aux alentours de 7h s'il y a ce qu'on appelle communément une "garderie" et il débauche au plus tôt vers 18h30, s'il ne se coltine pas la réunion de service qui peut parfois durer des heures... Il doit veiller seul au confort et à l'épanouissement d'un collectif d'enfants, au sens large, entre 3 et 18ans. Le tout pour un forfait BRUT qui oscille entre 25 et 50€ par jour...
L'argument que j'ai le plus souvent entendu pour justifier cet esclavagisme moderne serait que l'animation n'est pas un métier mais de la dépanne pour vieil ado chevelu, ou alors, une passion sans faille... Tu comprends, l'animation tu dois la vivre au plus profond de tes tripes, tu ne fais pas ça pour l'argent, tu es le Jésus des chtites n'enfants... Pour ton loyer et tes factures, tu peux toujours tenter de jouer de la gratte devant ton proprio ou d'offrir un collier de nouilles à Proglio mais, permets moi d'émettre quelques doutes....
Sauf qu'être animateur est une profession. Une profession intimement liée à l'éducation populaire. Être animateur c'est défendre des convictions. Ce n'est pas juste faire de l'occupationnel à la con et se travestir en Disneyland pour finir de perdre le peu d'amour propre qu'il te restait sur ton lieu de travail...
Animateur c'est être un pansement sur une hémorragie... C'est être multi-tâche, connaître et côtoyer un public généralement en très en précarité socio-économique, de la petite enfance jusqu'à la vieillesse ultime... C'est se confronter à la peine, à la tristesse des regards perdus et des peaux rougis par la difficulté de la vie.
Être animateur, c'est offrir des moments, c'est permettre des projets joyeux qui font battre le coeur d'un avenir, c'est essayer d'apaiser la solitude et la douleur persistante de tout ceux qui ne comprennent plus grand chose au bordel ambiant... Des enfants muets, des ados violents, des adultes dépassés et épuisés...C'est rappeler que la vie c'est aussi de la musique, des bonnes bouffes, du théâtre, de l'art, des rires, des cris de joie, des projets, des débats, du partage... Et cela, quelque soit le milieu et/ou le statut social des publics.
Rappeler que l'argent n'a pas le monopole du bonheur, bien à l'inverse.
Être
animateur n'est pas un job, c'est une profession. Une profession qu'il serait temps de respecter et de révaluer à sa juste valeur.
Les fêtes de quartier, toutes les activités des centres sociaux, les MJC (Maison de la Jeunesse et de la Culture), les points jeunes, tous les accueils extra et péri scolaires, les camps de vacances, les très nombreuses associations qui œuvrent pour l'accès au logement, aux droits pour tous, à l'accès aux soins pour tous, à la culture, aux loisirs, aux vacances.... Tous ces lieux, et tellement d'autres, n'existeraient pas sans l'animation sociale et socioculturelle....
Alors je continuerai à dire et à défendre mon statut d'animatrice sociale et socioculturelle !
Et je continuerai à ne pas être en très bon terme avec ma banque....
samedi 27 juillet 2013
L'enfant qui joue c'est tout.
Mesdames et Messieurs essuyez vous bien les oreilles avant d'entrer dans l'histoire aujourd'hui. Il faut des oreilles fraiches, bien dégagées pour écouter les enfants qui jouent.
C'est tout.
Réglez vos ouïes sur "matin du monde".
L'enfant joue. Non pas l'enfant jouet, l'enfant monstre que les adultes fabriquent avec leurs regrets. Non pas l'enfant retrouvé mort écrasé dans sa chambre sous un tas de jouets, non pas l'enfant-objet, non pas l'enfant scotché-télé, enchaîné à la chaîne, glouton optique tétant les excréments de la société-écran, petit junky au cerveau hamburger, l'enfant lobotomitélé.
Non, l'enfant qui joue, c'est tout.
Non pas le divin enfant sur le divan, mis à plat, disséqué, calibré, classé, scannérisé, répertorié, numéroté, rangé, psyché, lavé, séché. Adaptable, flexibilisable, mondiabilisable. Sinon? Sinon, virable, jetable, minable.
"Les passions humaines n'ont guère plus de valeur que les occupations des tout-petits". Sénéque nous l'avait dit. On peut se dire que les passions des tout-petits ont autant de valeurs que les occupations humaines.
L'enfant joue, se joue, se parle, se dessine, cherche sa place dans la glace, se fait un déguisement pour être reçu au concours de la vie, s'arrête, énigme. Essai un rêve au moment où il se produit.
Daniel Mermet
Daniel Mermet
jeudi 25 juillet 2013
Là-bas si j'y suis...Carnets de route. Extraits 1.
Extrait du livre de Daniel Mermet - là-bas si j'y suis, carnets de route.
Il y a des idées comme ça qui vous traversent l'esprit comme les hérissons traversent la route. Sans raison. Le plus souvent écrabouillées par le gros camion du comme-il-faut. Pas toutes. Certaines survivent, persistent et saignent. Et dansent. La dissidence danse...
Voir ce que tout le monde voit, penser ce que personne ne pense.
Toute ma vie j'aurai voulu être un homme du monde. Un homme du monde au sens où Baudelaire l'entendait. Homme qui connait du monde tous les rouages, tous les usages, tous les savoirs.
A condition d'en faire des ailes, pas du plomb.
Pas comme ces vieux baroudeurs de bar et leur gilet multipoches comme autant de tiroirs plein d’anecdotes rasoirs qui ont tout vu, tout vécu, tout ressentu, tout pensu.
Ces missionnaires de l'impuissance ont répendu le "cynisme-média". Cette fausse lucidité qui est revenue de tout sans être allée nulle part.
Certains savent transmettre leurs expériences comme un noyau de cerise. Pas si difficile de les rencontrer. Tendre un peu l'oreille et s'arrêter. On les reconnait à ce qu'ils ont l'air de s'excuser un peu: "j'ai mangé le fruit de la vie et je suis arrivé à ce noyau. La suite de l'aventure est dedans."
Mais le plus souvent, ceux qui ontdes kilomètres au compteur vous jouent l'air du découragement :"Nous n'avons pas réussi, vous ne réussirez pas non plus".
Comment échapper à cette contagieuse inhibition d'un monde flapi, sûr d'être condamné à demeurer ce qu'il est?
Comment concilier saveur et savoir?
Comment éviter que la réflexion inhibe l'action?
(...)
Ah! Qui célèbrera la grâce de l'ignorance, la beauté du trou de mémoire, cette chance qu'est l'oubli. Ce gout du matin d'île quand un môme demande : Pourquoi la nuit est bleue, pourquoi les vaches n'ont pas d'écailles, pourquoi mon cul n'est pas du poulet?
"Pourquoi la Terre est plate?" demande un jour l'enfant Galilée
"Pourquoi les pommes tombent-elle?" se demande un autre gosse qui s'appelle Newton
Bizut, nouveau, novice, en route, nous partons ! En route les bleus ! Sur le tableau noire de cette page écrivons ceci :"Il ne s'agit pas de voir ce qu'on ne voit pas mais de savoir ce qu'on voit".
L'artiste, le savant, le poète, le penseur, la femme amoureuse, le mystique, l'idiot, l'enfant, les vrais voyants voient ce que tout le monde voit et pensent ce que personne ne pense. Sans la lumière de leur oeil, la vie fane en quelques minutes, vidée de sa substance même, son sang, son sens, son son. Nul n'a le monopole de ce regard, il abonde chez le tout-venant.
Sauf chez certaines professionnels. Voyageurs, écrivains, ethnologues, chercheurs, envoyés spéciaux, diplomates, missionnaires...
Ces marioles partent voir ce que personne ne voit mais ils pensent ce que tout le monde pense. Et leurs trouvailles sont conformes, soumises, aplaties. Dépourvues de la valeur ajoutée et subversive du regard singulier.
Il y a des idées comme ça qui vous traversent l'esprit comme les hérissons traversent la route. Sans raison. Le plus souvent écrabouillées par le gros camion du comme-il-faut. Pas toutes. Certaines survivent, persistent et saignent. Et dansent. La dissidence danse...
Voir ce que tout le monde voit, penser ce que personne ne pense.
Toute ma vie j'aurai voulu être un homme du monde. Un homme du monde au sens où Baudelaire l'entendait. Homme qui connait du monde tous les rouages, tous les usages, tous les savoirs.
A condition d'en faire des ailes, pas du plomb.
Pas comme ces vieux baroudeurs de bar et leur gilet multipoches comme autant de tiroirs plein d’anecdotes rasoirs qui ont tout vu, tout vécu, tout ressentu, tout pensu.
Ces missionnaires de l'impuissance ont répendu le "cynisme-média". Cette fausse lucidité qui est revenue de tout sans être allée nulle part.
Certains savent transmettre leurs expériences comme un noyau de cerise. Pas si difficile de les rencontrer. Tendre un peu l'oreille et s'arrêter. On les reconnait à ce qu'ils ont l'air de s'excuser un peu: "j'ai mangé le fruit de la vie et je suis arrivé à ce noyau. La suite de l'aventure est dedans."
Mais le plus souvent, ceux qui ontdes kilomètres au compteur vous jouent l'air du découragement :"Nous n'avons pas réussi, vous ne réussirez pas non plus".
Comment échapper à cette contagieuse inhibition d'un monde flapi, sûr d'être condamné à demeurer ce qu'il est?
Comment concilier saveur et savoir?
Comment éviter que la réflexion inhibe l'action?
(...)
Ah! Qui célèbrera la grâce de l'ignorance, la beauté du trou de mémoire, cette chance qu'est l'oubli. Ce gout du matin d'île quand un môme demande : Pourquoi la nuit est bleue, pourquoi les vaches n'ont pas d'écailles, pourquoi mon cul n'est pas du poulet?
"Pourquoi la Terre est plate?" demande un jour l'enfant Galilée
"Pourquoi les pommes tombent-elle?" se demande un autre gosse qui s'appelle Newton
Bizut, nouveau, novice, en route, nous partons ! En route les bleus ! Sur le tableau noire de cette page écrivons ceci :"Il ne s'agit pas de voir ce qu'on ne voit pas mais de savoir ce qu'on voit".
L'artiste, le savant, le poète, le penseur, la femme amoureuse, le mystique, l'idiot, l'enfant, les vrais voyants voient ce que tout le monde voit et pensent ce que personne ne pense. Sans la lumière de leur oeil, la vie fane en quelques minutes, vidée de sa substance même, son sang, son sens, son son. Nul n'a le monopole de ce regard, il abonde chez le tout-venant.
Sauf chez certaines professionnels. Voyageurs, écrivains, ethnologues, chercheurs, envoyés spéciaux, diplomates, missionnaires...
Ces marioles partent voir ce que personne ne voit mais ils pensent ce que tout le monde pense. Et leurs trouvailles sont conformes, soumises, aplaties. Dépourvues de la valeur ajoutée et subversive du regard singulier.
Inscription à :
Articles (Atom)